Les secrets de l’éducateur de jeunes enfants : Pourquoi ce métier fait rêver ?
Article rédige le 30 décembre 2020 pour le site internet https://devenireje.com
Vous savez pourquoi le métier d’EJE plait autant ? C’est un métier qui est affectionné par bon nombre de personnes attirées par le domaine du social et de l’enfance.
Pour les familles que l’on accueille, c’est moins évident. Je m’explique.
En dehors de notre branche, peu de personnes connaissent réellement le métier d’Éducateur de jeunes enfants. Les familles nous confondent souvent sur nos lieux de travail avec n’importe quelle autre professionnel(le). Peu importe que l’on soit dans une équipe pluridisciplinaire ou pas finalement. L’amalgame est facile à faire. Sur nos lieux d’accueil, nous sommes les « auxiliaires », les « nounous », les « assistant(e)s, que dis-je, les « tatas » et « tontons » carrément!
Certains parents vont même jusqu’à nous dire « Allez, va voir ta deuxième maman ! » Avec une pointe de ressentiment dans la voix. A la fois en faisant confiance mais aussi à la fois en culpabilisant de laisser leur enfant à une autre personne, qui restera toute la journée avec lui pendant que eux doivent travailler.
De toute façon, nous sommes toutes et tous là pour nous occuper des enfants ! Non ?
Non.
Lors des réunions de parents, on fait à peine attention à notre présentation. Dans certaines structures, nous sommes obligées de nous affubler d’un badge ou bien de mettre un organigramme avec photo et diplôme. Le tout arboré d’une magnifique arborescence : le superbe classement en fonction de la hiérarchie.
Pas très glorieux, ce que je vous dépeins-là hein ?
Pourtant, il existe bel et bien ce métier, et ce, depuis des lustres. Depuis les « jardinières d’enfants » allemandes de l’année 1836, en passant par les « jardinières-éducatrices » françaises de 1954, jusqu’au fameux « éducateur de jeunes enfants ». Et oui, car en 1973, ce métier a également commencé à intéresser les étudiants masculins. C’est qu’elle date notre fameuse FNEJE « Fédération Française des Éducateurs de Jeunes enfants » !
J’ai fait ce rêve …
Quand j’étais animatrice en centre de loisirs, je rêvais d’être éducatrice de jeunes enfants.
J’avais eu mon bac. Je ne savais pas dans quelle fac aller car à l’époque je manquais terriblement d’informations sur les études permettant de travailler auprès d’un public d’enfants, et les conseillers d’orientation ne m’avaient pas été d’un grand secours, avouons-le …
J’ai passé mon CAP petite enfance, ce qui m’a permis de travailler en crèche. C’est à ce moment-là que j’ai pu enfin côtoyer des EJE. Je n’arrêtais pas de les observer et de les suivre partout : pour m’inspirer, pour apprendre, pour comprendre. Je ne savais pas bien pourquoi, mais quand une personne me disait « Je suis éducateur de jeunes enfants », c’est comme si je voyais apparaitre une sorte d’aura divine au-dessus de sa tête. Pourquoi dans mon esprit je pensais qu’elle avait toutes les réponses ? Pourquoi je mettais cette profession sur un piédestal ?
Pourquoi devenir EJE était un rêve, pour moi ?
C’est très simple et cela tient à 5 raisons.
- Raison n°1 : EJE, c’est un métier valorisant
- Raison n°2 : EJE, c’est un secteur qui recrute
- Raison n°3 : EJE, c’est aussi un secteur qui paye plutôt bien
- Raison n°4 : EJE, c’est un métier qui permet une évolution de carrière
- Raison n°5 : L’ EJE est considéré comme un spécialiste de l’enfance
Tadam ! Voilà le grand secret de l’éducateur de jeunes enfants enfin révélé, et je vous l’ai résumé en 5 lignes. Incroyable, n’est-ce pas ?
Vous voulez savoir le plus fou dans cette histoire ?
Ces 5 raisons ont toutes un point commun. Quelque chose d’absolument important si vous êtes vous-même concerné par cette profession. Ce point commun, c’est la qualité du travail. Vous devez fournir au public un accueil de qualité.
Regardez ça :
Je reprends chacune des 5 raisons, ok ?
Raison n°1 : la valorisation
Quand j’étais aide-maternelle, on m’adressait à peine la parole. Je ne me sentais pas considérée comme une professionnelle. J’avais l’impression de faire des actions répétitives toute la journée, qui se limitaient aux soins et à la prise des repas des enfants. Sans réflexion. Des actions qui étaient alors encore vides de sens pour moi, ô pauvre jeune écervelée que j’étais.
Plutôt réducteur. Mais c’est du vécu. En réalité, c’était plutôt moi qui n’avait pas réfléchi aux sens de mes actions. Je n’étais pas encore devenue EJE.
Etre EJE m’a permis d’atteindre cette reconnaissance et une certaine légitimité. Car même changer une couche, quand on est EJE, ça prend une toute autre tournure.
Pourquoi ?
Déjà parce qu’on ne « change pas un enfant », quand on est EJE on « change la couche de l’enfant » (et oui, l’EJE aime jouer sur les mots). L’EJE met en place des pratiques éducatives de soins, différents protocoles d’hygiène et s’assure du respect de l’intimité de l’enfant.
Ce qui signifie ?
Cela signifie qu’au-delà du soin mis en place dont l’objectif est de permettre à l’enfant d’être propre et en confort, toute une dimension se joue, et je pourrai passer des heures à vous parler de ça. Mais ce n’est pas le sujet.
C’est un métier valorisant, car les préoccupations sont différentes. Etre EJE permet justement de rompre cette vision centrée sur les besoins physiologiques de l’enfant. Car les compétences professionnelles de l’EJE sont des choses que l’on acquiert au travers de la formation, de nos stages, de nos lectures et de nos expériences. Vis-à-vis de la prise en charge de l’enfant, notre regard et notre état d’esprit se modifient lorsque l’on devient EJE. La théorie permet également de mettre du sens sur notre façon d’observer les enfants et de les accompagner au quotidien.
Ceci est très valorisant pour nous-même mais ce qui nous donne de la valeur aux yeux des autres, c’est la raison numéro 2.
Raison n°2 : l’EJE est reconnu comme étant un spécialiste de l’enfance
Même si aux yeux du grand public et des politiques, la profession d’EJE est assez méconnue, au sein de la profession on reconnait aux EJE une réelle expertise. Car ce métier fait se mélanger différents aspects : sociaux, psychologiques, éducatifs, médicaux, culturels et également juridiques. C’est en cela qu’il est différent mais en même temps, complémentaire des autres métiers de services rendus aux personnes et à la collectivité.
L’EJE a une position de maîtrise, de savoir. On parle souvent du « savoir-être » et du « savoir-faire » de la profession. L’éducateur est souvent appelé afin de solutionner une problématique rencontrée. Et pour orienter son action, l’EJE s’appuie sur différentes pédagogies et théories lui permettant de mettre en projet ses interventions à venir. Mais pas que ça. Car même en tant que spécialiste, le vécu du terrain lui permet de jongler entre ce qu’il a appris et l’expérience sur le terrain.
Raison n°3 : il y a de l’emploi
Peu importe où, il y aura toujours un travail pour vous. En crèche, en majorité, ça c’est sûr. En cherchant bien, d’autres perspectives s’ouvrent à vous.
Les EJE, quand on en trouve, on leur déroule le tapis rouge. Et je sais de quoi je parle, puisque je suis directrice de crèche.
Des entretiens, j’en ai fait passer. Des CV d’EJE, j’en ai cherché. Ça ne court pas les rues car beaucoup vont en municipal. Des annonces sur les réseaux sociaux, j’en ai postées !
J’en suis presque à faire des combats de boue avec mes autres collègues en direction pour avoir un éduc’ dans mon EAJE ! Et quand on embauche enfin un éducateur de jeunes enfants, ohlala ! Il faut user de stratégies pour le garder ! Il faut nourrir l’EJE, lui donner des tâches, notamment de référent(e) pédagogique. C’est bien simple : les EJE sont insatiables !
Et introuvables ! Déjà sur 10 CV, je vais recevoir environ trois éducateurs de jeunes enfants en entretien : un va rater son entretien avec moi en me sortant une grosse ânerie, un autre aura trouvé un poste ailleurs et le dernier va demander trop cher.
Ce qui nous amène à la raison numéro 4.
Raison n°4 : On est plutôt bien payé
Le discours de présentation du directeur de mon centre de formation était plutôt catégorique : « Si vous avez choisi d’être éducateur de jeunes enfants, ce n’est pas pour le salaire ». Bim ! Ambiance posée. D’accord, pas d’accord.
Quand je dis que nous sommes « plutôt » bien payés », ça dépend où, ça dépend dans quoi et ça dépend à quel poste …
Ce qui est certain, c’est qu’un EJE touchera bien plus que le SMIC.
On peut lire à droite à gauche qu’en fin de carrière, l’EJE touche 2100 euros. Pas de bol alors ! Mais ce n’est pas le cas dans le privé notamment. Maintenant le diplôme passe au niveau licence et avec ça, la perspective d’une augmentation salariale.
A savoir que dans les réseaux de crèches privées par exemple, plus la structure d’accueil est grosse, plus l’EJE touchera un salaire élevé, que ce soit à un poste de section, d’adjoint ou de direction. Ensuite, sur des postes de N+1, N+2, c’est exponentiel.
Plus vous vous rapprochez des grandes villes, et forcément, plus c’est intéressant. Sinon, y’a la fameuse stratégie : vivre à Luxembourg, travailler en Suisse J
Raison n°5 : l’évolution de carrière
Car elle est importante. Alors, oui, il y a la crèche. Mais pas que …
Il y a énormément de lieux dans lesquels les éducateurs de jeunes enfants peuvent travailler : en social, en petite enfance, en secteur hospitalier, en protection de l’enfance, en établissements bilingues, en établissement à pédagogie particulière (Montessori, Decroly, Loczy), bibliothèque, ludothèque, jardin d’enfants, Relais d’accueil d’Assistant(e)s maternel(le)s, ….
Et ils en créent des lieux d’accueil : micro-crèche, crèches itinérante, bibliobus, MAM, café-poussette, LAEP …
Les EJE se mettent à leur compte aussi ! : consultant en lactation ou en portage, accompagnement à la parentalité, accompagnement à la VAE (Oh ? Ça me rappelle un truc !), accompagnement aux concours d’entrées (Tiens ? Ici aussi !), formateur pédagogique, et patati et patata…
Ou bien ils évoluent professionnellement : d’EJE terrain, à référente pédagogique, à directeur (-trice) adjointe, à directeur (-trice), à coordinateur (-trice) (responsable opérationnel) petite enfance, à responsable réseau, à chef, mega big boss etc.
Alors… Il y a un secret numéro 6. Mais lui il est secret. C’est un secret bonus… Vous ne l’attendiez pas celui-là.
Raison n° 6 Bonus: L’EJE est un super-héros
Pourquoi l’EJE est un super-héros (ou une super-héroïne) ?
Vous savez ce que c’est le syndrome du sauveur ? On peut imaginer que les super-héros ont le syndrome du sauveur. Durant mon premier cours de psychanalyse en formation d’EJE, la prof’ nous dit : « Il y a souvent 2 raisons selon laquelle nous travaillons auprès des enfants. La première, c’est parce que nous avons côtoyé un membre de notre famille ou un proche qui travaillait déjà dans cette branche et ceci nous a motivé. La seconde, c’est pour guérir nos blessures d’enfants. »
Parce qu’on aurait des choses à réparer … A méditer. Personnellement, je pense que si c’était le cas, on serait tous des super-héros quelque part non ?
Je ne pense pas que toute bonne intention cache forcément des failles émotionnelles. C’est un métier qui nous interpelle sur notre raison d’être. En tant que personne à cette fonction.
Mais j’aime l’idée du super-héros : je le vois multitâche, polyvalent, bienveillant… avec une cape !
Et vous, votre pouvoir de super-éduc, ce serait quoi ? Prenons un exemple :
La boîte à outils de Mac Gyver ? Besoin de sortir d’une situation rapidement, et être inventif : « Avec mon pistolet à colle, 3 trombones et du crépon, je fabrique un théâtre de marionnettes en moins de 10 minutes ! »
La rapidité de Flash : « Comment ? Ce bébé va basculer du toboggan ? Vite ! J’enfile ma cape ! »
La multi-casquette comme Mario : tantôt référente pédagogique, tantôt en renfort de section, tantôt à filer son aide en cuisine, tantôt à aller animer une réunion sur une autre structure d’accueil…
Le savoir de Dumbledore : Aussi doué pour manager que pour former. « Abracadabra, qu’est-ce que j’ai dans ma malle à histoires ? »
La bienveillance, l’empathie et l’adaptabilité aux situations comme Mary Poppins ! Et puis, on chante super bien aussi ! On connait tout le répertoire des comptines pour animaux en cas d’urgence !
Un super-EJE lit dans les pensées comme Edward Cullen ( de Twilight… Et oui, j’ai 36 ans mais je connais Twilight ! Choquant, n’est-ce pas ? Ça compensera avec Mac Gyver niveau âge).
Ne cherchez pas. J’ai menti. La raison numéro 6 n’est pas un vrai secret.
Naturellement, j’ai fait mes années de formation et j’ai eu mon diplôme d’état d’éducateur de jeunes enfants. Quelle joie ! Quelle motivation ! Vous avez déjà senti, ça ? Cette sensation que tout est possible et qu’on peut soulever des montagnes.
En sortant de l’école, je voulais changer le monde. Et oui car quand on est EJE, on pense souvent qu’on va changer le monde et qu’on sera présent pour aider l’enfant à grandir pour qu’il soit celui qu’il deviendra un jour. Mais en fait, on se rend compte que c’est surtout le monde qui nous change et nous fait grandir. On apprend à trouver notre place parmi les autres, à forger sa propre identité professionnelle et non pas celle dictée par notre seul savoir théorique. On apprend du public accueilli, pour pouvoir leur apporter des solutions.
Le vrai secret de l’EJE, c’est qu’il n’a aucun pouvoir sans les autres. Sans les autres, il n’est pas grand-chose. L’EJE est tel un aventurier, il est en quête de trésors. L’Indiana Jones des crèches ! Et ces trésors, ce sont les autres qui nous les apportent : les enfants en premier lieu. Les collègues également.
Et l’EJE leur apporte en retour aussi : en mettant ses connaissances et ses méthodes aux services des autres.
L’EJE est une brique essentielle pour mettre en place les dispositifs d’accueil. De toutes les professions dites « sociales », l’éducateur de jeunes enfants en est probablement le « ciment » qui les relient entre elles et qui maintient ceux qui sont en difficulté. Il est le solutionneur des dysfonctionnements.
Vous avez peut-être ce rêve aussi ? De devenir éducateur de jeunes enfants ? Vous y pensez. C’est comme un besoin irrépressible ?
Devenir EJE m’a permis de trouver ma place, et même d’en changer, tellement les opportunités sont nombreuses. En aidant l’autre à se construire, je me perfectionne et m’améliore moi-même chaque jour et c’est ce qui est passionnant.
Voilà pourquoi ce métier fait rêver. En tout cas, pour ma part, il m’a permis de me réaliser.
Christelle Riollant, Éducatrice de Jeunes Enfants, 30/12/2020